Message Jeu Oct 15, 2015 9:25 am

Comprendre le Blues - Enrichir les notes !

VII - Techniques sur le manche

On nous a recommandé d'utiliser les notes avec parcimonie et d'en privilégier certaines : mais alors, ces phrases, avec peu de mots, comment peuvent-elles ne pas devenir redondantes, monotones ? Bon point ! Et j'ajouterais, peut-on en modifier la valeur relative, rendre une note de moindre importance plus «payante»?

Est-ce que tout le monde parle de la même façon ? Bien sûr que non ! Tout le monde ne parle pas sur le même registre, ni à la même vitesse. Mais même si deux personnes parlaient relativement sur le même registre et à des vitesses voisines, les différencieraient-on ? On y arrive généralement parce que, même avec les mêmes mots, le langage utilise des inflexions, des modulations, parfois relativement subtiles il est vrai, mais dont certaines, particulières, caractérisent le langage personnel.

Les bluesmen attachent une attention particulière aux modulations de langage (lire suites de notes), chacun se caractérisant par certaines tournures et modulations qui deviendront sa signature musicale. On ne peut confondre B.B. King, Robert Johnson et Lightnin' Hopkins ! Bon, OK ! Pas le meilleur comparatif puisqu'ils ont aussi des styles très différents !

Pour en revenir au propos, on enrichira le discours musical en modulant les notes au moyens de diverses techniques... sur le manche !

Le «bend» est sans contredit la technique qui caractérise le Blues. Il s'agit d'étirer ponctuellement la corde en la tirant ou poussant verticalement (transversalement au manche), ce qui y augmente la tension, d'où une élevation de la tonalité. Quand vous parlez naturellement, vous ne passez habituellement pas d'une note à l'autre. Pour gravir les marches d'un escalier, vous ne sautez habituellement pas de marche en marche, vous levez plutôt progressivement les pieds entre chacune des marches, de même, comme le Blues parle, le «bend» permet d'enrichir les intonations, permettant de surfer sur et entre les notes.

On étire de combien ? Tout dépend de l'effet désiré : on vise, selon le cas, à élever de ¼, ½ ou 1 ton complet (équivalant respectivement à ½ case, case complète ou 2 cases), se rappelant que sur le manche de guitare, une case équivaut à un ½-ton. Toby Walker se limite à un quart de ton.

On étire pendant combien de temps ? Ça dépend de l'effet désiré... et du «sustain» (capacité de l'interface corde / guitare à tenir la note).

Au plan de l'ergonomie, il est généralement recommandé d'adopter un positionnement particulier lors de l'exécution d'un «bend»  : on doit tendre à ne pas pousser uniquement avec le doigt qui frette, celui-ci gagnant à recevoir l'aide des autres doigts. La note de départ se trouvera donc le plus souvent produite par l'annulaire : il est en effet préférable d'apporter le support de l'index et du médius, l'auriculaire n'étant généralement pas assez fort et mobile.

Cette façon de faire a plusieurs avantages. En premier lieu, le partage sur trois doigts de la force nécessaire réduit la tension sur le doigt qui frette la note, ce qui augmente aisance et précision dans l'exécution. Aussi, moins de tension sur les articulations du doigt qui frette implique moins de risque de fatigue, et de blessure. Enfin, on pourrait penser qu'une tension moins forte entre corde et frette ralentirait leur usure (donc la nécessité éventuelle d'un remplacement).

Cette recommandation technique, certainement très utile, surtout pour le débutant, ne constitue toutefois pas un absolu. Sur dvers solos que j'ai explorés, le bend est parfois produit avec l'index ou le médius : me conformer à la recommandation d'exécution exigerait de quitter la position qui permet de survoler verticalement la gamme, ce qui me paraît hasardeux compte tenu que je tends à ne pas regarder le manche. Je dois dire également que cette recommandation ne tient apparemment pas compte du tirant des cordes : en 0,012, j'arrive même à produire des «bends» satisfaisants avec mon auriculaire ! Ce serait certainement plus difficile avec des cordes 0,14 (cf. John Hammond Jr), surtout en position ouverte (près du sillet de tête). À l'opposé, sur guitare électrique avec des cordes 0,009 ou 0,010, la difficulté est plutôt de ne pas produire de «bend» non désirés.

Y a-t-il des notes particulières où le «bend» peut s'avérer plus «payant»? J'avais cru, allez savoir pourquoi, que les «Blues notes» méritaient qu'on les stressent, qu'on les rapproche des contreparties majeures, histoire de les raccrocher à l'accompagnement. Le nombreux solos que j'ai analysés confirment cette impression.

Selon «La Guitare pour les Nuls», c'est ici que la quarte prend toute sa valeur : c'est celle où on exerce les «bends» !!! Évidemment élever la quarte à aux quintes, mineure et majeure (b5 et 5), a son intérêt, mais la quarte n'a pas l'exclusivité !

Toby Walker préfère quant à lui les 9è (seconde par delà l'octave, vers «b3»), quarte (vers «b5») et sixte (vers «b7»).

Je tire de cette disparité deux leçons ! Comme je l'ai indiqué en introduction, chacun a sa méthode... et ses intonations fétiches, ce qui signe son style particulier. Mais surtout, comme tout le monde ne parle pas de la même façon, c'est le contexte musical qui décide de ce qui est bon ! Voilà !

Parmi les autres techniques, on rencontre le «slide» (glissé, coulé) qui consiste à partir d'une note (jouée ou non) pour glisser le doigt vers une autre note (plus haute ou plus basse) sur la même corde (ex, 5/7 ou 7\5). Il arrive que la note de départ du glissé («slide») soit indiquée en petit caractère ou ne soit pas indiquée (ex. /7) : dans ce dernier cas, on part 2 ou 3 cases plus bas que la note visée.

En montée, sur courte distance, l'effet peut paraître analogue au bend, mais ce dernier est transitoire. De plus le glissé permet de plus grandes distances... et dans les deux sens.

Glisser entre deux notes s'avère particulièrement utile pour changer de gamme lorsque l'accompagnement change d'accord ou tout simplement pour varier la position de jeu dans une même gamme : la transition apparaît plutôt à l'assistance comme un tour de passe-passe musical.

En parlant du «bend» je disais qu'on ne parle pas en sautant d'une note à l'autre tout comme on ne monte pas un escalier en sautant d'un degré à un autre. C'est ce que permettent musicalement le «hammer-on» et le «pull-off».Le «Hammer-on» consiste à frapper une note plus haute (ex. 5H7), tandis que le «pull-off» consiste à laisser une note jouée en levant le doigt, ce qui permet l'expression d'une note plus basse (7p5). Il est à noter que pour un pull-off plus marqué, on ne fait pas que lever le doigt : on lève le doigt en tirant légèrement sur la corde, comme si on la grattait.

Dans l'ensemble, ces techniques permettent de produire davantage de notes que celles qui sont frappées. Mais en plus, ces notes ajoutées apporteront une touche veloutée à la mélodie.

Il y a aussi le vibrato, qui allonge la durée de la note. On peut le produire de deux façons. On peut rouler alternativement dans le sens de la corde le doigt qui frette. On peut aussi exercer comme un mini-bend alternatif, soit un léger déplacement latéral répété de la corde. La technique B.B. King apparaît ici digne de mention : c'est le poignet qui imprime le mouvement, le bord de la main face au pouce prenant appui sur le repord inférieur du manche. À ce moment, le pouce est libre, il ne s'appuie pas derrière le manche. Ainsi, le mouvement du poignet, via le point d'appui, imprime le mouvement voulu au doigt.

Enfin, j'oubliais l'étouffement : vous jouez la note et soulevez le doigt qui frette aussitôt. La note est brève, percussive.

Ces techniques font en sorte que le bluesman, dans une même pièce, peut répéter maintes fois son solo fétiche, le modulant d'inflexions qui traduiront un propos plus ferme ou plus doux, plus calme ou plus incisif, plutôt qu'un discours redondant et monotone.

Une toute dernière considération, mais tellement éclairante! Si vous effectuez des «bend» en 2è et 7è cases, vous constaterez qu'il est nettement plus facile d'exercer les effets de modulation à distance que près du point d'ancrage des cordes (sillet de tête). Cette propriété physique explique en partie la propension en apparence tellement «cool» des Bluesmen à jouer non pas en position ouverte, premières cases, mais plutôt occuper le milieu du manche de guitare. Il y a aussi que les cases se faisant plus courtes à mesure qu'on monte sur le manches, il devient plus aisé d'en couvrir davantage avec les 4 doigts de la main. Mais surtout, en occupant d'emblée le centre du manche, on est obligé d'utiliser un patron de gamme fermé (pas de corde à vide), patron qu'il suffira de mobiliser vers le haut ou le bas du manche au besoin : nul besoin donc d'apprendre cinq patrons !

On a vu les bases théoriques et la technique de la main gauche, il restera à situer tout ça sur le manche de guitare !
Dernière édition par Mawmow le Mar Nov 03, 2015 9:33 pm, édité 2 fois.
Raison: correction de coquilles.
Pour le temps qu'il me reste ? PASSION MUSIQUE !!!